Quatrième vie (1979-1983)

J’ai épousé – acte gracieux que j’ai parfois recommencé – C., avec qui je continuai de découvrir les manières trépidantes de l’intelligenstia ; alors, il me sembla que, de la psychanalyse au journalisme, je me trouvai au cœur du pouvoir : puisque ce sont nos récits et nos illusions qui fondent le réel… Plus tard je ferais théorie de cette thèse, qui sera mon drapeau. Pour ces temps, ce furent Le Matin de Paris, Libération, Les Nouvelles Littéraires : écrire un article le soir pour le lendemain, être génial vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Comme j’étais l’écrivain qui voulait réconcilier les auteurs avec le commerce du livre, je devins directeur commercial – et non littéraire ! – aux éditions Balland ; j’aurais tant voulu, comme mon grand-père, être un grand homme d’affaire. Avec C., j’ai théorisé – entre la maladie de l’exil et celle de réfléchir, y a-t-il un tel trait d’union ? – la corrida, vision masculine et féminine ; j’ai été à Bayreuth pour la tétralogie de Wagner par Chéreau, et se cristallisa mon désir de “grande œuvre”. Liant l’opéra et la tauromachie, et la gauche venant au pouvoir – y a-t-il aussi un trait d’union, un rapport ? -, je redevins metteur en scène, comme lors de ma première vie, spécialisé dans les passages taurins du Carmen de Bizet, étroite spécialité qui me fit diriger Ruggero Raimondi, rencontrer Marcel Maréchal, travailler pour l’Opéra de Paris, et qui aurait pu me mener jusqu’à New York ou Tokyo, comme seul spécialiste international de ce créneau : fidèle à mon goût velléitaire je ne persévérai point, et fidèle à mon sens de l’obsession je continuai dans la littérature… Mais, encore, ma maladie de l’exil recréa mon univers : je quittai C.