Je m’installais avec R. à Paris, elle travailla dans l’immobilier – on ne fait pas plus classique. Mais, ma révolution, il fallait bien que je l’épuise : avec Jean-Edern Hallier, que les contradictions n’effrayaient pas, je créai les Éditions Hallier, sorte de coopérative où les auteurs participaient et que je théorisai – car pour moi il faut donc que les idées priment – contre l’édition paternaliste et capitaliste. Il fallait ici et maintenant que les écrivains agissent dans l’économie du livre : avec Marie Cardinal, Yves Navarre, François Châtelet, on institua le Syndicat des Écrivains de Langue Française ; et je fus le compagnon du “bras armé” de Jack Thieuloy. C’était une époque fiévreuse et romantique, nous nous imaginions des soldats le soir, dans le ferveur d’être militants des luttes éternelles. Je fus l’ami de Jean-Paul Dollé, Jean-Marie Benoist, Bernard-Henri Levy. Dans toujours ce grand écart pour penser la révolution sur les lieux les plus traditionnels, je me plongeai de plus en plus vers l’intérêt familial des tauromachies, fréquentai les toreros français. Je sus enfin ce que c’était que de voir un taureau, même petit, en face de soi, on doit avoir du courage, c’est à dire une morale des pieds immobiles. Mais déjà ma maladie de m’exiler, de changer, recréait mon univers : je quittai R.